mardi 29 juin 2010

Qu'est-ce que j'ai fait d'ces années ?

J'ai une rage irréductible contre le temps qui passe en ce moment, le temps qui passe et qui vient tout déchirer, tout lacérer, tout piétiner. Colère bleue de carottes trop cuites, de chien qui bave.

Je voudrais retourner au cégep, à la quatrième session, quand les choses allaient pour ainsi dire bien. Quand les gens n'étaient pas séparés aux quatre coins du Québec, quand les amis n'étaient pas en train de s'étouffer volontairement dans des sectes super-puissantes, quand je voyais les gens que j'aime le plus à peu près à chaque jour. 

Ça faisait longtemps que j'avais eu une crise nostalgique. À avoir envie de pleurer en écoutant Patrick Bruel, Coeur de Pirate et Barry Manilow. À être éplorée et malheureuse, comme quand je ne reçois pas de réponses aux courriels que j'envoie.

Ah la la... 

Où trouver quelqu'un qui va me dire quoi faire par rapport à mon amie nouvellement-scientologue ? 

C'est de la grosse merde. 

dimanche 20 juin 2010

Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve.

C'est la fête des pères aujourd'hui. Un peu douloureux parce que j'avais oublié que Benjamin la fêtait aussi.

Il peut aller paître, manger de l'herbe trop sèche et les pâtés de sable que les enfants vont lui offrir.

Sinon, il fait extrêmement chaud ; tout est humide, tout colle sur ma peau trop bronzée et ça ne sert à rien de passer une demi-heure à me battre avec mon fer plat pour avoir des cheveux qui ont de l'allure.

Alors je me fais des chignons, et je me prends pour Misia Sert en fumant des cigares à la menthe et en accusant les perles dans mon cou. J'aimerais d'ailleurs m'acheter des toiles, question de refaire la décoration de ma petite chambre claustrophobique. Claustrophobisante. J'aimerais avoir Misia au piano de Toulouse-Lautrec, mais c'est introuvable sur All-Posters. Alors je vais peut-être me contenter de la Revue-Blanche, ou bien autre chose, une toile impressionniste ou surréaliste, je ne sais pas. Peut-être Van Gogh, aussi, ou Klimt.

Question d'élargir le fossé qui se trouve entre moi et mes parents ; question d'encourager mon snobisme pourri de fausse Mme Verdurin.

J'ai une amie qui est rentrée dans la Scientologie, elle n'ira plus à l'école pour se consacrer à ça, et ça me fait extrêmement peur. Le genre de fille ultra-intelligente qui est tombée dans les griffes de Tom Cruise et des autres alors qu'elle cherchait un sens à sa vie, alors qu'elle était dans une quête spirituelle désespérée.

Et j'ai fait une gaffe à la job, et j'ai peur qu'on me renvoie.

Et j'ai commencé le troisième tome de La Recherche, alors je suis fière de moi ; surtout que je compte lire un peu aujourd'hui.

Et, malgré tout, j'ai hâte de recommencer l'école ; les vacances m'emmerdent, je m'enlise dans une fainéantise abominable, et je ne vois presque plus personne.

lundi 14 juin 2010

Comme Barry Manilow, en moins mièvre. Genre.

« Les démarcations trop étroites que nous traçons autour de l'amour viennent seulement de notre grande ignorance de la vie. » 

Oui, encore Proust, p. 330 de À l'ombre des jeunes filles en fleur. 

Proust qui connaît la vérité sur le monde. Qui l'a déterrée avec des heures de labeur acharné sur quelques pages barbouillées, en de longues années de mondanité, d'observation et de vie, puis de solitude. Farfouiller la vie, en gratter toutes les couches factices pour, finalement, obtenir un fragment minime de vérité pure, blanche et préservée. Par l'art. Car j'ai cette idée impressionniste que la vérité, le réel sont décuplés par et dans l'art. Que c'est là, et seulement là, qu'on peut y toucher. Les posséder, aussi fugitifs et volatiles soient-ils.  

Je ne suis pas morte, mais en congé jusqu'à demain. J'ai eu le cerveau agréablement lavé samedi avec un 12 heures de théâtre de Wajdi Mouawad, 12 heures à se concentrer, à admirer l'intelligence esthétique et textuelle de Mouawad, à rire et pleurer, à sentir son coeur piétiner d'impatience à connaître la suite de l'histoire, s'exalter devant la beauté et la misère humaine, etc. Bref, une magnifique journée où j'ai croisé plusieurs visages connus (dont mon prof de Proust, avec sa femme, belle et élégante Coco Chanel moderne, mon prof au visage un peu mou et à la tête chauve, ce qui m'a surprise, moi qui suis encore dans l'idée que les beaux vont avec les beaux, et les laids avec les laids.)

Je suis aussi allée voir le nouveau film de Dolan, que j'ai aussi beaucoup aimé : les atmosphères dégagées, les jeux de lumière et de couleur, la symbolique, les fragments de vérité qui se détachent du film et qui nous font sourire. Parce que c'est tellement vrai que l'on fait ça, quand on est amoureux et que ça ne fonctionne pas. Parce que, moi aussi, si une personne mourait à chaque fois que je clique sur actualiser, je serais pas mal toute seule sur la planète. 

Et puis je n'ai rien de palpitant à raconter. 

C'est normal, c'est l'été, ma vie est aussi plate qu'un mur de plâtre l'été. 

Je pourrais aller à la campagne et boire du vin autour d'un feu de camp avec des amis. Mais il faudrait que je prenne congé, un peu impossible avec tous les congés que je demande pour Proust et tout. Toujours le rêve qui décolle, et puis la réalité qui le repousse contre le sol. Le frappe contre le parquet. Les envols romantiques et les crash réalistes. 

Et il y a Prokofiev qui joue sur mon ordinateur, la danse des Capulets et des Montagues. Les pom po-pom po-pom qui sont supposément connus mais qui ne me disaient rien. Chantonnés comme ça dans le vert et l'humidité universitaire. Regards qui riaient, malaise qui planait. Il faisait chaud, ça sentait la crème aux mûres , les vieux livres jaunis et les murs pourris du Casault. Et toujours cette pièce de Prokofiev qu'il chantait. Parce qu'il est le seul que je connaisse qui peut chanter une pièce instrumental sans avoir l'air fou. Moi, j'ai l'air fou quand j'essaie de traduire vocalement une pièce classique. Surtout Chopin, impossible à chanter avec toutes les virtuosités pianistiques. 

Et j'ai vraiment hâte que Capsule publie le nom des profs qui vont donner les cours. Ainsi que de trouver une solution miracle à cette initiation que tout le monde fuit. 

Misère !

mercredi 9 juin 2010

Collectionner les cœurs et les arbres Ming en quartz rose...

... ou s'ennuyer dans l'air sec et climatisé d'un hôtel perdu qui borde l'autoroute 73. S'y emmurer 40 heures semaine tandis que le soleil de juin nous sourit à l'extérieur et les clients nous narguent par leur sourire vacancier en sortant du lobby. Ouvrir Proust pour n'en lire qu'une phrase et n'en rien comprendre parce que Shopping TVA joue à la réception ; tenir un stylo pour écrire ou paufiner un texte et être coupée en pleine inspiration parce que le téléphone sonne ou un client se pointe pour une chambre. Boire trop de café du Tim Hortons, me ruiner en livraisons de sushis pour souper et perdre de vue les amis qui ne travaillent pas ou pas assez.

Bref. J'ai un job, je suis contente, un job qui me permet de lire, d'écrire et d'étaler ma vie sur facebook ou blogger.

Et puis, plus l'été avance, et plus je découvre que Proust détient la vérité absolue sur plusieurs points, presque sur la vie. Que j'ai vraiment envie de m'habiller comme Coco Chanel dans Coco et Igor ; que je commence à le faire, d'ailleurs. Que je voudrais boire une bouteille de vin dehors en fumant des cigares à la menthe. Que je voudrais un kaleidoscope et m'amuser des heures durant à être fascinée par toutes les formes et les couleurs du monde. Que j'ai envie d'écrire, de profaner le langage et les conventions avec ma plume ; avec ce que je suis, aussi. Que j'aimerais vraiment voir mes amis d'université bientôt, ou de Cégep, si Cath revient un jour de Gaspésie. Que je dois vraiment arrêter de tout mélanger les histoires de R. et de B. : depuis que j'ai appris que R savait, je prête à B. les réflexions de R., je mélange les souvenirs, je pense à B. en ayant cette impression de dissonance au creux du ventre parce que je me souviens qu'il savait, pour aussitôt essayer de me convaincre que c'était R. et que, avec B., c'était complétement différent, ça n'avait rien à voir. Que j'ai toute plein d'idées pour écrire, mais que Proust et les limites temporelles accordées à ma lecture m'empêche d'avancer mes projets. Que j'ai hâte de revoir Benjamin, que j'espère qu'il donne le cours ; que je suis de plus en plus certaine que j'ai envie de faire ma maîtrise sur Misia, et que j'ai vraiment hâte d'avoir des nouvelles pour la foutue initiation à laquelle personne, me semble-t-il, ne veut participer.

La vie est un vrai foutoir, creux et chaotique.

J'ai envie de rencontrer quelqu'un dans les prochaines semaines, et de boire un café au lait dans les prochaines minutes. Sauf que le Tim n'en fait pas, alors je devrai me contenter d'un café straight ou d'un cappucino glacé trop gras, trop sucré. Ah la la...

Et j'ai faim.

lundi 7 juin 2010

Je sais, c'est moi qui ai tout fait, oui, j'étouffais.

On apprend une myriade de petits détails en littérature, mais aussi de grandes choses qui nous aident à élargir les oeillères avec lesquelles on voit la vie, l'art, l'amour, la mort. Parmi ceux-ci, j'aimerais vous présenter la notion de catharsis

Bon, j'suis motivée, j'le mets en italique. C'est du grec, tsé ! 

La vraie signification est le sacrifice du bouc pour purger une société de ses passions. Les grands tragédiens utilisent essentiellement cette notion : les dramaturges mettent en scène un piège, le personnage tombe dedans, meurt dans d'atroces souffrances ; le public, à la fois terrorisé et pris de pitié, sort du théâtre en se rappelant qu'il faut maîtriser ses passions. Phèdre, par exemple, rappelle à la France du XVIIe siècle que l'inceste, c'est mal. 

Nous avons encore besoin de catharsis, de défouloirs, d'exutoires à notre trop plein de passion. Notre prof de litt. française des origines à 1680 nous avait fait écouter une chanson de The Used, en prenant exemple sur ses enfants qui l'intriguaient par leurs goûts musicaux pour le moins douteux. Selon elle. Alors elle a pensé à la catharsis : par la musique puissante, les paroles sombres et la voix traînante, criarde, les « jeunes » écoutent du emo pour se vider des passions qu'ils ne peuvent évacuer autrement. 

En un sens, c'est vrai. Pour tous, je ne sais pas, la plupart des gens ne pouvant jamais mettre le doigt sur ce qu'ils aiment de leur petit beat électro tout pareil aux autres, hormis la facilité qu'ils ont à se trémousser pour séduire l'autre sexe. M'enfin, passons.

Je parle de catharsis pour vous présenter la catharsis de ma journée, en regard de ma journée d'hier et de ce que j'y ai appris. Une chanson de Jane Birkin. Catharsis très peu violente, j'en conviens, mais cette pièce languissante qui évoque fortement la supplication m'est bénéfique, me vide, pour ainsi dire, de ce trop plein d'émotions qui m'a nécrosée pendant trop longtemps hier. 

Le clip vidéo est horrible, ennuyeux et s'englue dans le kitsch des années 80 où le lyp'sync était encore peu subtil, mais j'aime Jane Birkin et, surtout, les paroles de Gainsbourg qui, à mon sens, demeurent d'un génie poétique indéniable et inspirant malgré ce côté provocateur et arrogant que je déteste chez les gens. À la Baudelaire. 

Sauf que, Baudelaire et Gainsbourg, ont un talent fou, je suis la première à le dire. 

Enfin, je vous laisse aller vous purger ici.

samedi 5 juin 2010

Tendre soudainement la main vers un fantôme fuyard.

Mes illusions adolescentes sont comme détruites. Et ça me donne l'impression d'être réduite à l'état de débris à mon tour. Comme si une partie essentielle de ce que j'étais m'était arrachée, grugée, piétinée. Une histoire d'amour vécue à l'âge où l'on découvre les premiers émois, histoire pour ainsi dire morte depuis environ 2 ans, les nouvelles ambitions, relations aidant ; histoire un peu oubliée, un peu surannée, que l'on m'a remis au nez par une discussion avec quelqu'un que je nommerai ici X et qui m'avait beaucoup aidée dans le temps où je traînais mes quinze ans comme de lourdes chaînes.

R. savait. Il savait, et s'inquiétait.

J'ai pas vraiment de mots pour en parler. Ça fait 2 heures j'efface ce que j'écris ici.

Je me doutais bien qu'il devait savoir. Que j'étais jeune, imbécile, pas subtile ; que je balançais mon amour à qui mieux-mieux dans les corridors bouchés de l'école ; que je le regardais avec des yeux brillants, dévorants, criant l'envie d'un déflorement ; que j'insistais, que j'inventais, que j'imaginais des intérêts que je n'avais pas, que je n'ai jamais eus. Que j'exagérais, qu'un petit béguin d'étudiante devenait oppressant, brimant. Que je fermais mes yeux sur mes 15, 16, 17 ans en me haussant à son niveau, à son âge.

Seigneur.........

Mais en avoir la certitude est une sensation que je ne peux décrire. C'est douloureux. Déchirant. Comme si ma vie se réduisait à une photo que l'on avait brûlée devant moi.

C'est X qui m'a dit qu'il savait. Il savait, car il lui en avait parlé. Et c'est cette révélation qui m'a sidérée. R., que j'avais toujours perçu comme un être un peu perdu, un peu au-dessus de la mêlée, trop distrait pour s'apercevoir de telles choses, n'était pas si aveugle que je le croyais. Que je voulais le croire.

Je me sens mal. J'ai envie de m'excuser, de me fondre en désolations, en justifications. Qu'il comprenne que je ne suis plus amoureuse de lui. Que je suis passée à autre chose, et que je suis une bonne personne, au fond. Une fille un peu dans sa bulle, hypersensible et profondément bouleversée par un joli brun foncé qui joue de la musique et qui parle du monde en phrases lyriques et poétiques.

Oui, je suis toute croche en ce moment. Je regrette encore ce matin où je me berçais dans des illusions comme quoi il n'avait jamais vraiment su. Qu'il n'avait jamais vraiment crû à cet amour que je lui témoignais par toutes les pores de ma peau.

Mais je préfère la vérité, aussi déboussolante soit-elle. Car il y a des choses que je comprends mieux maintenant. Et puis, même si j'étais passée à autre chose, si j'avais balayé cette histoire d'autres péripéties plus exaltantes, relayé ces trois années dans un placard poussiéreux, je trouve que c'est un point final intéressant. J'ai tourné quelques pages, définitivement prête pour un autre chapitre.

Au fond, c'est un épilogue à cette foutue loi de l'attraction qui titrait la première version du roman.

Cette entrée est très mal écrite. Mais je pense que je me sens mieux. Que je vais pouvoir approfondir mon personnage inspiré de R., le rendre plus vrai. Que je vais pouvoir enfin bouger, condamnée que j'étais à languir dans ma chambre, les larmes dans la gorge, à me lamenter pour mon innocence perdue.

Mais j'ai au moins pris conscience de choses que je tâcherai de ne pas répéter, d'améliorer.

vendredi 4 juin 2010

Y a comme du vin trop rouge dans ma tête trop saoule.

Bon, finalement, c'était une belle soirée. Une bouteille d'un excellent rouge italien aidant, on a presque réussi à retrouver l'atmosphère d'autrefois. Presque.

Je lui fais moins confiance, certes, mais j'ai découvert une Émilie plus mature, moins imbécile qu'avant. Je ne sais pas jusqu'à quel point j'ai envie de reprendre contact avec elle, mais j'ai passé une belle soirée. À discuter du passé, de musique classique (!) et de nos histoires respectives (que j'ai un peu enjolivées...).

Et je suis un peu saoule, je me lève dans 6 hrs alors je devrais aller me coucher.

Mais j'ai un peu parlé de Benjamin. Et j'aurais vraiment envie de le voir. Genre là. Ouais.

Et je quitte avant de râler plus de stupidités que maintenant.

Pour écrire un peu.

Je m'excuse à l'avance pour cette entrée d'ivresse et d'impertinence.

On s'emmerde à l'hôtel, sous l'air climatisé et le soleil mécanique des néons.

Vendredi après-midi, c'est plat et mort à la job. Je suis un peu fatiguée et le café que je bois ne m'a pas encore complètement rendue alerte pour continuer Proust. Alors je vais faire un tour sur blogspot. Raconter des sornettes plus ou moins véridiques. Étaler ma vie insignifiante, plate et morte sur le Web. Lira qui voudra. Sauf que, là-dessus, je ne suis pas inquiète, je n'ai pas encore eu de problèmes avec la publication des aléas de ma vie sur Internet, prénoms et situations même pas censurées.

Ce soir, j'arrête de bouder une ancienne amie et vais souper avec elle. Le genre de fille de qui j'étais très proche au secondaire, à qui je racontais tous mes déboires amoureux, parentaux et autres. Qui savait presque plus de choses de R. que lui en savait sur lui-même. Et qui, je l'appris après, allait balancer mes secrets à d'autres de ses amis. Génial. Au cégep, je l'ai vue à quelques reprises. J'éloignais nos rencontres. À tous les 5, 6 mois, je recevais un appel d'elle. Comme si sa conscience de fausse bonne amie lui rappelait qu'elle avait des amis à conserver, des relations à entretenir.
« Saaalut...
- Allô... *ne sachant pas du tout c'est qui*
- Ça vaaaa ?
- Oui, toi ? *toujours en train de chercher c'est qui...*
- Ouaiiis! C'est Émilie!
- Ah, allô...
- Tu m'appelles pas !?"

Et elle non plus, d'ailleurs. Comment se déresponsabiliser : tu ne m'appelles pas ; tu m'appeleras si tu veux faire quelque chose ; ça serait cool d'aller prendre un café, t'as mon numéro.

Et puis, ce soir, j'ai accepté de la revoir. Un message sur Facebook : quand ça te tentera d'aller prendre un café, tu m'appeleras, t'as mon numéro. Après plusieurs réponses évasives (on s'en reparle), j'ai dit oui. Me disant: pourquoi pas ?

Je vais donc la jouer un peu snob. Froide, distante. Le genre qui ne veut pas parler de sa vie. Un peu méprisante, peut-être. Citer des auteurs, parler d'art et de musique classique. On verra comment ça se déroulera.

Je n'ai pas envie de lui parler de ma vie, mais je sais que la première chose qu'elle me demandera sera un gros : « Quoi de neuf ? » Je hais ces gens qui me demandent quoi de neuf, sachant très bien qu'ils veulent seulement savoir s'il y a de quoi de bon à raconter. Pas par intérêt véritable, comme mes amis, mes vrais, ou yolaine me demandent. Mais eux, ça ne me dérange pas : il n'y a jamais rien de neuf dans ma vie, et encore moins l'été où le boulot et la solitude se bousculent la place. Et je leur dis, et ça ne les dérange pas parce que leur but n'est pas les racontards, mais l'intérêt véritable qu'ils peuvent trouver en mon bonheur. Comme des vrais amis. 

Bref. Pas de nouvelles pour l'analyse Lasnier. Pas de nouvelles pour mon cours de Formation à la vie culturelle. Rien de fascinant, rien de grisant. Sauf Proust. Et l'écriture, qui va plutôt bien. J'ai d'ailleurs eu de très bons commentaires d'une amie, ça fait toujours du bien. Ah, et il y a Wajdi la semaine prochaine !

Culturellement, tout est fantastique ; socialement, ça pourrait être mieux.

Mais c'est l'été. Et Proust attise ma vie, mon intelligence.

mercredi 2 juin 2010

S'engluer dans la crédulité. Plaisir d'ailleurs un peu imbécile.

Je pensais à ça tout en conduisant du boulot à chez moi, dans les bouchons de circulation noyés par et dans la pluie torrentielle qui s'est mise à tomber alors que je terminais mon shift de travail. Bien sûr, une soirée que j'avais une activité organisée avec une amie. Et non hier ou lundi, alors que j'ai passé la soirée sur mon canapé à lire Proust, à écouter J'ai tué ma mère, mon film catharsis, et à faire semblant d'écrire tout en naviguant sur Facebook et sur des forums. Murphy me fait chier. Voilà.

Je pensais, donc, à certaines personnes dont la présence dans nos vies nous devient essentielle. Oui, ces gens qui, du jour au lendemain, atterissent dans nos vies, dans notre coeur, sans vouloir en sortir ; ces gens que l'on croit éternels. Quand on était petits, on pensait que notre meilleur ami allait demeurer le même toute notre vie ; ado, on croyait dur comme fer toujours rester amoureux de notre premier amour, l'épouser, faire des enfants, s'acheter un cottage en banlieue, mini-van et golden-retriever, puis mourir collés-collés comme ces deux vieux à la fin du Titanic ; nos parents qui nous tombent sur les nerfs, qui nous secouent et nous bousculent, on ne réalise jamais qu'ils peuvent être eux aussi de passage, éphémères comme ces collègues de classe que nous ne revoyons jamais après la scolarité, avant que l'un d'eux soit frappé par cette grande fugitive que l'on appelle la mort.

C'est bien naïf de croire cela ; parfois, pourtant, on ne se voit pas dénué d'une personne chère. Personne plus ou moins quelconque, plus ou moins commune, intervenue dans notre vie au moment où nous cherchions une main amie. Une personne autour de laquelle nous avons bâti un bout de vie, un bout de nous. Dont le souvenir est tissé à même notre peau, notre être. Qui nous a poussé à évoluer. Et puis, une fois que nous avons changé, que nous nous sommes rebâtis, solidifiés, on goûte les délices de l'amitié ou de l'amour. Cette réussite à la fois intrapersonnelle et interpersonnelle. 

Cette personne, gravée à même notre coeur, nos gestes, notre vie nous devient indispensable, nous feint d'être éternelle, immortelle ; notre vie n'a de sens qu'en elle, qu'en sa présence dans notre vie. On ne peut se voir couper les ponts, la perdre de vue ; nous savons qu'elle est mortelle, qu'un accident ou le temps peut se décider à nous l'enlever ; mais cette possibilité nous semble tellement irréelle que nous ne préférons ne pas y penser. Ne pas y croire. 

Je ne sais pas quelle partie de nous a tendance à penser cela. Depuis mon secondaire 2, je pense, je sais que l'amour ne dure pas, qu'il finit toujours par s'éteindre ; ainsi, je n'ai jamais prétendu depuis que je serais toujours amoureuse de telle personne. L'amitié aussi : je sais que les aléas de la vie peut nous forcer, sans le vouloir, à arrêter de fréquenter nos amis. Changement de pays, de cercle d'amis, de goûts, de travail, de mentalité, etc. Manque de temps. Manque de points communs outre le passé. Même si je ne veux pas, je sais qu'il n'est pas impossible que je perde mes meilleurs amis de vue. Nos parents, on sait qu'ils vont mourir, on désire parfois couper les ponts, souvent s'en détacher, s'en départir ; leur absence dans notre vie n'est, par défaut, pas éternelle.

Mais qu'en est-il de ces personnes dont j'ai parlé plus haut ? Est-ce notre besoin de bâtir quelque chose de durable autour d'une personne ? Est-ce ce restant de naïveté de l'enfance qui prend le dessus sur notre esprit cartésien et enclin au doute, au réalisme implacable ? Ou est-ce parce que ces rares personnes ont aléatoirement reçu un peu de l'amour inconditionnel qu'il nous est alloué de cracher ? 

Toute cette réflexion circulaire pour finalement dire que je ne vois plus ma vie sans elle. Que seule la mort viendra m'arracher de sa discussion, de son affection. Que je suis incapable de croire que, dans quelques années, je n'aurai plus envie de lui parler, de la visiter, de connaître son avis sur telle ou telle chose. J'aurai beau accumuler les aventures, les amours de passage ; j'aurai beau dénicher le nid idéal avec un joli monsieur aux cheveux foncés et à l'esprit cultivé, un job édifiant et valorisant ; j'aurai beau avoir terminé la construction de ce moi et de cette confiance en soi tellement chevrotante pour le moment ; j'aurai beau être devenue parfaitement adulte, avec tout ce que ça implique, je ne me vois pas couper les ponts, le lien intellectuel qui m'unit à elle. 

Et puis, j'aime voir ça ainsi. Alors je me ferme les yeux et m'enlise dans la crédulité.