samedi 25 février 2012

Saint-Roch

« Je ne suis pas revenu pour revenir, je suis arrivé à ce qui commence. »
L'Homme Rapaillé - Gaston Miron

La neige tombe. Ta peur aussi.
Tu ressens le bruit de chaque flocon que tes talons hauts écrasent
Tu caches tes cils sous un masque fardé de noir
Tu étires le temps qui passe, le téléphone qui se meurt au bout de son silence ;
Et, sans savoir qui ou quoi, tu attends au coin d’une rue
Entre Dorchester et Saint-Joseph.

Tu es entrée dans une boutique.
Ton sourire timide, tes mains tremblent entre les étoffes
Ton envie craque sous la légèreté de ton porte-monnaie
Tu essaies une robe, elle tire de tes yeux toute ta beauté
Mais tu ne te permets qu’une écharpe en soie rouge
Une tache sanguinaire dans la foule de février
Entre Dorchester et Saint-Joseph.

Tu es sortie, pressant la soie sur ton cou mat.
La vendeuse t’a suivie du regard, te fixe encore à travers la vitrine.
Son beau visage de marbre, trop jeune pour toute sa gravité,
Te toise comme si elle te connaissait, comme si elle t’en voulait ;
Mais as-tu toi-même un autre air, avec tes angoisses chroniques,
Tes yeux troublés et ton visage émacié sous cette dernière neige de février ?

La neige tombe. Ta peur revient.
Le temps roule ses heures avec toute la lenteur du silence.

Et il ne te reste plus que ce téléphone mourant au creux de ta poche,
Dormant entre tes clés et un billet griffonné à la hâte :
« Paraît que la terre tourne. Sais-tu, j'ai jamais remarqué ! »
Des initiales, des pattes de mouche en guise d’embrassades
Des gouttes de neige qui brouillent les X rapidement tracés.
Tu souris, retires le bonnet sur tes cheveux pour les secouer
Et colles ta bouche contre les lèvres chaudes de cet homme de février
Qui t'attend là, debout devant un café,
À quelque part entre Dorchester et Saint-Joseph.

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