dimanche 5 septembre 2010

Déprime post-proust

J'ai fini Proust. Le rideau tombe, les personnages s'estompent, se dérobent et deviennent inaccessibles à mes yeux, à mon imagination avides de m'incorporer à la Recherche. J'ai fini Proust, et j'ai soudainement le coeur gros, une drôle d'envie de pleurer.

J'ai fini Proust, et un deuil profond me vrille l'âme, me cloue sur place ; deuil précoce qui m'empêche d'ouvrir mes livres d'école, mes livres de chevet.

Parce que Proust et ses créations, ses créatures n'y seront plus.

Parce que, après 4 mois passés à lire Proust, à voir la vie avec un filtre proustien, à ne penser pour ainsi dire qu'à Proust, refermer le tome 7 me semble irréel. M'est cruel.

Gouffre temporel, a-rationnel où je dois me réapproprier moi-même, ramasser les miettes de moi que j'avais laissé tomber en parcourant les pages de Proust tandis que je subissais l'été interminable ; mon esprit déglingué qui vivait la Belle-Époque au rythme de la plume impressionniste, impressionnante de Proust redescend tranquillement sur Terre et s'érafle la figure en chutant contre la médiocrité moderne.

Parce que La Recherche a changé ma vie, et la conception que j'avais du monde, de l'acte d'écriture, de l'art, du Vrai. Je pense.

Ça fait drôle de passer à autre chose. D'avoir passé au travers la Recherche. De quitter Marcel, Albertine, les Guermantes, Gilberte, Charlus, Saint-Loup et, mes chouchous, les Verdurin. De replonger dans une modernité réelle et plutôt décevante.

Je travaille trop et je suis nostalgique de choses que je possède encore ; des gens qui ne m'ont pas encore quittée, que je viens à peine de revoir. Je crains leur fuite que je sais imminente, plus ou moins lointaine. Comme celle de Proust entre mes doigts qui tournaient les pages un peu froissées d'avoir été trimballées partout.

J'ai rangé Le Temps retrouvé à la suite des six premiers tomes dans ma bibliothèque, en me promettant d'y revenir un jour. Le plus bientôt possible.

Avoir si hâte de lire autre chose pendant la lecture, et, maintenant qu'elle est terminée, en être tout bonnement incapable.

Drôle d'esprit qu'est le mien, quand même...

Mais la discussion que j'aurai mercredi, probablement, guérira mon esprit disloqué par la fin de Proust.

3 commentaires:

ZHENYA ZHURAVLYOVA a dit…

Интересный блог))

francois-fabien a dit…

Il est vrai qu'on ne retrouve jamais le bonheur de première lecture d'une grande oeuvre... Mais le bonheur des retrouvailles, s'il est différent, n'en est pas moins profond... Combien de fois ai-je relu, par exemple, les "Confessions"?... Je serais incapable de le dire... Mais c'est, chaque fois, d'un oeil tout à la fois neuf et lourd de toutes les lectures précédentes...
En attendant j'aime bien vous lire...
Amicalement...

Francois-fabien a dit…

Un petit livre qui ne paie pas de mine "Proust contre la déchéance" de Joseph Czapski ( Ed.Noir sur Blanc, Lausanne ,)mais qui est profondément émouvant parce qu'il s'agit d'une conférence sur Proust dictée dans un camp de prisonniers polonais en URSS en 1940-1941.. L'auteur ne disposait de rien d'autre pour en parler que de sa seule mémoire. Aucun document. Aucun livre. Le but?.. Rester debout. Rester vivant. Rester en prise avec la culture et le monde extérieur. Ses codétenus ( qui n'avaient, pour la plupart, jamais lu Proust ) l'ont écouté avec infiniment d'attention. Et de Passion... Religieusement...