jeudi 5 août 2010

Vivre par procuration.

J'ai ton nom sur le coeur, tatoué en minuscules. Petits caractères gravés contre ma chair, qui se réduit parfois à une seule lettre. Paraphe de l'amour éternel et inconditionnel ; morceau de toi en moi qui ne décolle pas.

J'ai usurpé ton odeur, comme si c'était la certitude de ne plus jamais te perdre. Effluves épicés de patchouli et de citron qui me gardent tiède quand l'été humide s'abat sur une ville oppressante, désertée de toi.

J'ai ta voix qui me parle encore, soliloque culturel dans une tête gigogne, rire de marguerites et éclats enfantins dans les yeux. Je relis de vieilles missives et t'imagine me les raconter ; je retrouve alors des lambeaux, des fils que je n'ai pas tirés pour poursuivre la discussion plus loin qu'un échange de mots virtuels en deux ou trois courriels.

J'ai la tête qui me fait mal et des envies de porto blanc, de vin rouge et fin bu au goulot. J'ai l'insomnie qui se profile et la plume défaillante, indigne des souveraines et des muses fuyantes. Je fantasme sur une écriture vraie et poétique ; percutante. Je voudrais profaner le langage, mais me voici prisonnière des balises édictées de l'imagination qui crie le récit et le veut structuré. "L'écriture est un acte irréductible" : par où dois-je passer pour atteindre ce ground-0 inconscient de l'écrit ?

J'ai la tête qui tourne, un coeur en excès qui ne sait pas aimer sans limite de temps ; une rage intacte contre cet ACU qui masque, peut-être, ce nom proscrit devant les autres. J'ai une peur de l'échec inavouable, une admiration débordante qui risque toujours de virer malsaine, selon mon humeur, la température. Virer comme ma crème à mains qui est expirée et qui se sédimente en grumeaux. C'est dégueulasse, mais je n'ose pas la retourner au magasin ; alors j'achète chez Crabree & Evelyn, comme si c'était le chat qui déchire les foulards jaunes dans le roman caché au fond de mon tiroir.

J'ai une écharpe de soie rose qui ressemble à une toile de Klimt, et qui sent les bureaux ivoirins du département de français. Premier contact de mon cou aux figues et au basilic avec la soie, la vraie, celle qui coûte les yeux de la tête et qui fait un trou dans mon porte-monnaie, qui dérobe la chaleur du grain de la peau et les années 2000 de mon maintien.

J'ai un début de roman de 83 pages que je brûlerais en échange d'une autre plume, et une hâte incommensurable de recommencer l'université ; un cours sur Proust précipité et une initiation à organiser qui n'aboutit pas ; un amour atrophié pour un nom qui n'apparaît jamais et que je cherche à tâtons, les yeux embués, un amour stellaire pour une image perdue en Europe ou je ne sais trop où.

Mais j'ai ton nom tatoué sur le coeur, en minuscules au bas d'une note rapide, et c'est probablement le fil d'Ariane qui me mènera au bout de l'interminable été dans lequel je m'enlise tristement.

2 commentaires:

jean-jacques a dit…

a lire à haute voix c'est encore plus beau!
:-)

isabelle a dit…

Merci infiniment de votre lecture, de votre appréciation!