lundi 29 mars 2010

À mi chemin entre le rêve éveillé et l'écriture automatique !

J’ai pris de l’eau dans ma bouche. Elle était toute fraîche contre mes joues tièdes. L'eau léchait les parois de ma mâchoire, mes gencives, ma langue. L'eau glaçait mes dents et les engourdissait. Ça me faisait du bien de sentir tout ce frais dans ma bouche. Je trouvais ça drôle, je riais, l'eau tombait, et puis je remplissais ma bouche à nouveau avec l'eau glaciale du lac bleu et miroitant. Mes joues étaient joufflues à cause de l'eau fraîche qui s'y trouvait. L'eau était fraîche, glaciale, rafraîchissante et réconfortante ; l'eau, c'était la vie qui glougloutait et oscillait entre mes joues. Fraîche et vivifiante. Je regardais mes copains de jeux, je regardais mon reflet que la surface miroitante du petit lac auquel je m'abreuvais me renvoyait. J'avais l'air d'un singe, et mes joues gonflées, mes lèvres devenues framboise, roses, luisantes et rondes, mes yeux exorbités, mes sourcils haussés faisaient rire les copains qui dansaient autour de moi. Mes copains riaient en exécutant des figures de ballet-jazz et de danse contemporaine. Ils riaient, et je riais à mon tour. Je laissais l'eau s'échapper rapidement sur le sol jonché de racines et de fougères, luxuriantes et vertes, en me penchant vers l'avant pour éviter de cracher l'eau sur mes vêtements. Quelques petites gouttelettes éclaboussaient toutefois ma robe blanche, mais c'était presque imperceptible. Je n'y faisais pas attention, tournoyais un peu avec les copains qui dansaient. J'essayai quelques pas de valse, puis retournai au lac. M'emplis à nouveau la bouche d'eau froide. Dansai avec les copains en faisant attention aux racines qui sortaient de la terre molle comme des bras aux intentions malsaines. Je valsais maladroitement et finis par trébucher. Je crachai l'eau, mais je ne ris presque pas puisque la racine m'avait écorché le pied. Je retournai à mon lac, pris une autre lampée d'eau pour oublier ma douleur à l'orteil. C'était réconfortant. Je regardai les copains, leur offris une grimace par laquelle l'eau jaillit. Une surface de ma robe en fut couverte, mais l'eau sur ma peau tiède me rafraîchit. C'était agréable. Et ça faisait rire les copains. Je remplis à nouveau ma bouche d'eau. Je tournai sur moi-même, très rapidement, en crachant graduellement l'eau tout autour de moi. J'étais un arroseur. On riait. Je riais. Nous avions un plaisir fou à s'amuser avec cette eau limpide et tellement fraîche ! 

Mais j'eus la malencontreuse idée de reprendre de l'eau dans ma bouche, lever le regard au ciel et cracher l'eau vers le soleil : peut-être pour le rafraîchir, celui qui doit avoir si chaud dans sa perpétuelle combustion, peut-être pour faire rire les copains avec mes allures de fontaine ambulante, peut-être parce que j'étais grisée d'avoir tant ri et tant dansé et tant tourné et tant bu cette eau si fraîche, si caressante contre les parois intérieures de mes joues et la peau rugueuse de ma langue. Je fis une fontaine avec ma bouche pleine d'eau vers le ciel.

L'eau s'écrasa sur ma chaude ivresse, et ma robe fut toute mouillée. Je clignai des yeux. Les copains riaient encore, mais je continuais de cligner des yeux, étonnée qu'une telle chose puisse m'arriver. J'avais empli ma bouche d'eau fraîche, m'étais amusée, l'avais craché au-dessus de moi et maintenant, j'en étais toute aspergée. Étonnée. Glacée. 

Les copains riaient mais je n'avais soudainement plus envie de rire. Mais je riais encore, d'un rire jaune et mineur, comme le mouvement lent d'une symphonie de Schumann, d'un jaune triste et cynique qui jurait de manière violente avec le bleu du lac et le vert profond des fougères. Je riais jaune et mes yeux devenaient rouges. Mais je riais, je continuais de rire parce que je ne pouvais pas exposer aux autres mon trouble à cette idée de m'être fait prendre à mon propre piège. C'était le pas de trop qui risquait de m'envoyer déraper la pente glissante qui se déployait devant moi. Jeu dangereux de rires et de caresses de l'eau !

Aujourd'hui, je regrette ; mais toujours, j'emplis à nouveau ma bouche d'eau fraîche et nouvellement âcre pour la cracher comme si rien n'était. Je regrette et l'eau me donne envie de vomir. J'ai peur d'elle ; je m'oblige à y retourner pour emplir d'eau ma bouche apeurée. C'est encore plaisant et caressant, mais elle goutte le sang et les larmes. C'est doux-amer, c'est grisant et affolant. Je regarde les copains qui dansent encore. Je n'ai pas le choix : je continue ce jeu malsain pour ne pas montrer aux copains qui sont heureux, qui sont rieurs, qui m'ont applaudie que l'eau m'a inondée, m'a brûlée par sa froideur et me rend malade. 

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Je constate qu'à chaque fois que je fais ce genre d'exercices pseudo-psychanalytiques, il y a une forêt tropicale d'un vert riche et profond, avec des fougères odorantes et une surface ronde ; il y a de l'eau bleu royal, l'image du singe et moi qui agis comme une vraie gamine. Enfin. Je n'expliquerai pas ; je ne sais pas le faire. 

J'attends maintenant l'avis de Freud en lisant Marguerite Duras pour mon fabuleux cours de littérature française. 

Bonne soirée !

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