dimanche 21 mars 2010

Satie ferme mes paupières en frappant sur le piano.

J'ai reçu une réponse de Y., une si gentille réponse qui, comme d'habitude, a provoqué chez moi ces bouffées d'affection envers cette grande dame, cette si belle dame ! Malheureusement, je ne pourrai pas aller la voir mardi qui vient, mais je pourrai y aller l'autre mardi. C'est dans si longtemps ! Toutefois, il me semble que je vais bien, que je vais mieux, alors cette rencontre sera purement intellectuelle ; je ne me fierai pas sur nos échanges pour me convaincre que je suis une bonne personne qui n'a pas besoin d'un grand flanc-mou pour être bien. Implicitement, il va sans dire. Ahh, j'ai tellement hâte de la voir ! 

J'ai par contre quelques points à réfléchir quant à cette amitié non-conventionnelle. J'aimerais pouvoir la voir pendant l'été. Mais je refuse de frapper pour une deuxième fois le mur de son refus. Je verrai, ou j'encaisserai. 

Mes envolées lyriques ne seront pas pour ce soir. Mes amours me semblent trop loin dans le brouillard de mon esprit pour m'inspirer une quelconque poésie. Je ne suis qu'une loque, vague et informe, qui n'a pas la force de tendre son bras visqueux vers ces anges cristallins qui s'éloignent en souriant, floues, indescriptibles. Il y en a qui sentent la crème aux mûres et le froid ; d'autres, ce parfum qui me poursuit mais que je ne peux identifier ; d'autres, le détergent à laver et l'après-rasage. Parfois, c'est mon odeur qui se mêle à la leur - je pense à la crème aux mûres ; d'autres, c'est la leur qui s'impose comme maître de mes impulsions. 

Passons. 

Je lis mes courriels et les siens l'un à la suite de l'autre, et je me rends compte que j'écris comme elle. Que j'ai appris à écrire comme elle. C'est stupide. De quoi ai-je l'air ? Vulgaire loque qui se colle à un style... 

Je repense à ma bulle, celle avec B. qui n'a duré que quelques minutes mais à laquelle je me suis si fortement accrochée que j'en suis encore toute habitée. Je m'y suis accrochée, je m'y suis abîmée, mais c'est cet abîme qui était doux et tendre. C'était sentir son regard qui se levait, quelques secondes après le compliment de E., sur ma robe et la brûler de sa curiosité timide et attendrissante. C'était constater qu'il se souvenait toujours de ce que je lui disais, de mes goûts et mes travers. C'était son sourire, son rire que je déclenchais quand je parlais normalement, sans vouloir être drôle ou intelligente. C'était être attirante et belle sans changer, sans m'inventer des passions, sans prétexter l'intérêt ou le talent. C'était être appréciée, regardée en demeurant Moi.

C'est peut-être pourquoi je ne m'en suis pas encore remise. Parce que, comme me disait M. jeudi, c'est tellement plus dur oublier quelqu'un quand « on reste inassouvi ». Quand on a eu droit à une connection, une énergie, un presque-désir puis rester dans le néant, les bras ballants, en se sommant d'oublier. 

Cath m'a dit que ce sentiment que j'ai entretenu pour lui était noble. En un sens, oui, noble est un qualificatif juste pour cet amour, car c'en était. Un amour noble, désintéressé, grand. Pour moi, sans m'attendre à rien, sans m'auto-détruire, sans le blesser. Ébranlement et connivence, attirance et conversations. 

C'était ça, c'était ce qui n'aurait pas dû être, mais c'est arrivé, petite bulle d'éternité entre un homme et une jeune femme qui n'auraient peut-être jamais du se regarder, se rencontrer. C'était un clin-d'oeil, un moment complexe et céleste, éphémère et éternel. Précaire. Tendu par le désir. Soulagé par l'art qui sortait de nos bouches souriantes. 

Je ne regrette pas. J'ai même hâte d'y goûter encore, si cette bulle ne s'est pas totalement dissipée par l'année ou presque d'éloignement. 

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