mercredi 31 mars 2010

C'est lorsque tout le sable a été balayé que hop ! la rivière déborde !



J'ai parfois cette drôle d'impression d'être dénuée de contrôle sur ma vie, d'être spectatrice de ma propre vie. Je me vois aller, comme si j'étais une entité extérieure à moi-même, je perds volontairement le contrôle et m'observe déraper, voir jusqu'où je peux tomber sans complètement me briser, où est-ce que je vais trébucher cette fois. Au lieu d'être engagée, active, vivante et de prendre ma vie en main, je la laisse glisser en lui faisant une confiance aveugle, en la laissant s'infiltrer où elle veut. Je suivrai et j'encaisserai. 

Ça m'a fait ça souvent. Avec B. nommément. Quand je me suis sentie attirée par lui, quand j'ai réalisé que je pensais anormalement trop à lui, au lieu de courir dans le sens opposé, me sommer d'oublier, l'éviter complètement, j'ai haussé les épaules en me disant « Bah ! Et pourquoi pas ? » ; les trois ans de R. ne m'avaient visiblement rien appris, j'ai préféré glisser en toute connaissance de cause, sans chercher à me retenir ou à amortir la chute. Je me suis regardée tomber, et j'ai pris plaisir dans cette chute, la sensation d'ivresse qu'elle me procurait. 

Ce n'est évidemment pas toujours à des moments aussi charnière que celui avec B. auquel je réfère, ce n'est même pas souvent pour des questions aussi décisives quant à ma destinée, mais il reste qu'il est récurrent chez moi de me sortir de moi-même et me regarder de manière désintéressée, comme si j'étais spectatrice de ma vie et que je n'avais aucun pouvoir pour en changer la marche. 

Je pense que j'aime perdre le contrôle. Me challenger moi-même. Cerner la brèche pour y trébucher. Tout laisser filer autour de moi pour voir quels seront les ravages. Voir où est le talon d'Achille de ma vie qui est, au fond, tellement fragile. Palper l'instant précaire où il est facile de tout faire basculer. Laisser les rênes glisser de mes mains et regarder où les cheveux affolés m'amènent. Et me démerder lorsque je suis perdue. 

Certaines personnes aiment avoir le contrôle absolu sur tout. Peut-être suis-je un peu comme elles, en ce sens que je veux presque avoir le contrôle de ma perte de contrôle. Mais je pense surtout que j'aime ce vertige puis cette ivresse de la chute. La curiosité du point final. L'idée d'être à la fois responsable et victime de mon propre sort. 

Aujourd'hui, je marchais pour aller au Tandem, et il ventait comme c'est souvent le cas lorsque j'ai de telles pensées (peut-être cette idée de vent, de mouvement, de chute...), et il me semblait que tout le monde était dans mon chemin. Et puis je me suis sentie, comme tant de fois, m'extérioriser et me regarder, me laisser aller avec la vie voir où me mènera-t-elle cette fois. Que sera, sera. Je pense que ça s'applique bien, ces derniers temps, à ma confiance peut-être un peu trop aveugle en la vie.

Et je m'amuse, je ris et je rejette les noires préoccupations. L'homme qui viendra cueillir mon coeur ne se heurtera pas à une déprime ni à des critères trop élevés ; que ce soit B. ou un autre homme sexy et cultivé, un ami d'école ou un jeune inconnu mystérieux, je m'ouvre au monde, je bois la vie et accueillerai celui qui m'offrira des fleurs intéressantes ! Seulement, qu'il se pointe avant que mon amour de vivre s'estompe ! Ou que je fasse une gaffe quelconque, retomber pour un insignifiant pas intéressé, par exemple ! 

Voir yolaine m'a vraiment fait du bien, je crois !

J'ai réalisé quelque chose tout à l'heure en ressassant la vie dans mes pensées, comme je fais toujours. Ce matin, j'ai fait un sourire que je me suis surprise à faire. J'y ai réfléchi, et je me suis rappelé que c'était exactement ce sourire-là que je faisais à B., un sourire que je lui réservais, à la fois timide et provoquant, à la fois déférent et outrageusement charmeur, avec le regard furtif et caressant, un sourire franc et passionné. 

Sourire ainsi dans une situation qui ne le nécessitait pas. Claudiane voulait que je sourisse (?) aux gens, et voilà, je ressors des sourires que je réservais aux amours ! Ah la la... Vivement septembre !! 

Scolairement, tout baigne : j'ai pour ainsi dire terminé mon travail de Genres littéraires (celui que je montrerai à yolaine !!), mon prof de littérature française, le fameux G., n'arrêtait pas de me dire que mon sujet pour le travail était une excellente idée, je suis à jour (quoique limite...) dans mes lectures, et j'aime mes cours et les livres que nous y lisons ! Plus qu'un mois d'école, pas de vie mais des résultats excellents, Pierre Lapointe en spectacle le 28 avril, Proust et autres pour cet été, B. cet automne, la dolce vita les copains !

Demain, nous serons le 1er avril, c'est-à-dire que l'an dernier était ce fameux mercredi de l'opéra. Souper au resto chinois avec B. Regards enflammés et maladresse polie. « La romantique que tu es a-t-elle peur d'être déçue par l'opéra que nous allons voir ce soir ? » Thé vert et pieds qui se heurtaient sous la table. Attirance devenue pour moi amour. Oeillade timide jetée sur ma robe noire, que je portais d'ailleurs aujourd'hui. Crème aux mûres et rouleaux impériaux.

Et aujourd'hui, ça fait un an. Déjà un an. C'est horrible, le temps tue. Ce temps perdu que je ne trouverai jamais, jamais malgré mes recherches intempestives et mes prières itératives. Proust voit en la solitude la solution ; moi, c'est en la perte de contrôle que je retrouve mon bonheur. (Oui, nous avons vu Proust aujourd'hui en classe.) Les bienfaits à long terme sont peut-être incertains, mais je vis. 

Je perds le contrôle, mes sentiments sont extrêmes mais c'est dans cette intensité que je finis par retrouver un certain contrôle.

Je suis un paradoxe vivant !!

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